Rachid Mansoum
Au premier regard, on a l’impression que tout le paysage est à portée de vue : les lacs qui scintillent au milieu des brumes, les poissons en or et les hommes qui s’y déversent, les arbres étranges qui vacillent dans leur bleu, l’écureuil qui sursaute sur un cerisier, la gazelle qui traverse une clôture, les chevaux qui, au loin, se fondent dans le brouillard, et le renard de l’aube, humide de rosée, qui rôde au voisinage. Soudain,
tout s’embrume et arrivent les nuages. Les figures s’évanouissent, la lumière s’estompe, ce n’est plus tout à fait le jour, ce n’est pas encore la nuit. Le regard glisse subrepticement vers l’intérieur. Le réalisme lyrique se dérobe derrière l’insolite et le fantastique et une rêverie s’empare du regard, transfigurant une réalité joyeusement cachée.
En fait, Saadi Youssef est un brouilleur de piste ; il se plait à dissimuler les traces d’une terre poétique pleine d’ivresse et de volupté où la réalité et la fantasmagorie se tiennent la main, où le parfum épicurien se mêle à la nostalgie d’un pays lointain et pourtant proche.
D’exil en exil, le poète poursuit ses fulgurances, expérimente la faille entre le songe et le rêve et soumet au doute ce qui parait aller de soi. Autant il est en quête d’une rive convoitée, autant il sème la désillusion dans la glaise d’une terre perdue, autant il demeure à l’écoute des pulsions vitales du monde. Au fil de son odyssée, il forge une esthétique poétique fondée sur la séduction de l’illusion. Une vision du monde vouée à l’instabilité et au culte du mirage et qui expérimente le poème en prose comme l’entendait Charles Baudelaire qui disait « quel est celui de nous qui n’a pas, dans ses jours d’ambition, rêvé le miracle d’une prose poétique, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience ? ».
A l’âge de 77 ans, Saadi ne cesse de nous surprendre aussi bien par la ferveur de ses textes et la fascination qu’ils inspirent que par la vitalité de ses imaginaires saisissantes émotions délicates et sensations évanescentes. Sa quête identitaire est parallèle à l’aventure poétique elle-même. C’est cette absence de séparation entre l’écriture et la vie qui donne un caractère unique à son œuvre. Saadi s’inspire des circonstances de son vécu quotidien et fait à travers le plus proche, l’Ici et Maintenant, l’expérience du lointain et de l’Ailleurs. Il transforme chaque lieu, que ce soit une taverne, un café, une rue, un jardin public ou une fenêtre en un monde ouvert et étrange propice à l’exaltation des sens et à la création.
C’est ainsi que ses poèmes se nourrissent des palmiers dattiers, d’oiseaux des marais d’un pays ancré dans l’imaginaire, de la détresse de l’exil et de l’atrocité de guerres sanglantes vécues. Tout se passe comme si la poésie était un moyen de garder espoir à une époque de grande horreur ou pour faire de l’existence un intarissable fleuve de plaisir.
Repoussant, sans cesse, ses propres limites esthétiques, Saadi conçoit les frontières de sa terre poétique à l’image d’une clôture dans le désert, des nuages de l’exil ou encore à l’image de l’étrangeté de l’oiseau de Friedrich Nietzche dans le Gai Savoir « ne pas rester lié à une patrie : et ce quand bien même elle serait en proie à la plus grande souffrance…ne pas rester lié à son propre détachement, à cette voluptueuse distance et étrangeté de l’oiseau qui s’enfuit toujours plus haut pour voir toujours plus au-dessous de lui. »
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Né à Bassora, en Irak, en 1934, Saadi Youssef est aujourd’hui considéré comme l’une des valeurs les plus sûrs de la poésie en monde arabe. Il a dû quitter son pays après avoir connu l’emprisonnement en raison de son engagement politique. Depuis 1970, Saadi Youssef vit en exil. Un exil qui va le conduire successivement à Beyrouth, Batna, Nicosie, Aden, Belgrade, Tunis, Paris, Damas, Amman. Il a publié une trentaine de livres de poésie, une dizaine en prose. Il a reçu plusieurs prix poétiques. Il a également traduit en arabe Walt Whitman, Federico Garcia Lorca, George Orwell, Wole Soyinka, Yanis Rítsos et Constantin Cavafis .
Qui m'a dit: " tu mourras cet après-midi"
je réponds je suis le compagnon du brouillard ...
Saadi Youssef
Première tentative dans le brouillard
Le matin se fait jour ...
il est plus de dix heures
toutefois, le brouillard allégé tisse maintenant ses étoffes
et transforme en lambeaux les grands arbres
et donne aux rideaux une couleur indéfinie et les emporte vers ses ondes immobiles
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c’est quoi cette couleur?
Quelle unité de mesure puis-je utiliser ?
C’est quoi cette neige?
Et ce sel?
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je vais fermer les yeux, je les rouvrirai à nouveau:
ô herbe
ô herbe proche
ô herbe lointaine
sois immobile, ô mon allié, ainsi que le mirage!
Londres 11.10.2002
Deuxième tentative dans le brouillard
Les chevaux se fondent dans l'herbe
l'herbe n’est plus à portée de vue ...
le jour émerge de la terre
comme il émerge de l'eau
les bateaux (en route vers la mer)
ont disparu de la rivière avant même les chevaux
les clôtures du champ aussi
ne laissent subsister dans le paysage que les arbres les plus hauts,
...
alors, comment partir?
La distance entre la route et le village est maintenant
pareille à celle qui sépare le ciel de nos feuillets ...
et le jour d’aujourd‘hui est semblable à tout autre qui sera
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chevaux qui se fondent dans l’herbe
paisibles dans le brouillard ...
Londres 11.10.2002
Troisième tentative dans le brouillard
La fumée des cigarettes a perdu ses couleurs...
par la fenêtre
se dévoile la blancheur
par la fenêtre
entrent les tirs lointains et leurs échos par vagues:
s'agit-il d'un bataillon où s’entraînent les soldats?
Est-ce une école de chasseurs dans les prairies?
Est-ce la lointaine patrie?
Le brouillard, à midi, se dissout dans des cumulus
et des miroirs;
l'air saturé d’humidité se libère ...
soudain, les oiseaux apparaissent
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qui m'a dit: " tu mourras cet après-midi"
je réponds je suis le compagnon du brouillard ...
Londres 11.10.2002
J’attendrai
Aucun oiseau sur la branche
aucune abeille sur les fleurs ...
j'ai dit: aujourd'hui, l'univers ne s’éveillera pas
et cette rivière
qui monte
et qui descend
fougueuse comme un taureau ...
ne va pas s’apaiser afin que nous puissions cueillir des coquillages au fond
Et écouter le chant de la sirène
je tends l’oreille
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un oiseau dont j’ignore le nom
Appelle
Qu’appelle t-il ?
Le matin n’a pas encore libéré la lumière du jour
Tandis que devant moi la montagne s’abrite dans plumes d’un corbeau...
Ortiz 14.04.2008
Dans un crépuscule nuageux.
Les fruits du chêne tombent secs
étincelants
comme les balles d’un revolver magnum ...
l’herbe est fraîche
sur le layon les traces de puissants chevaux
et les arbres transformés, jadis, en vaisseau naval par Henry V*
dont les fils et filles qui me protègent maintenant:
cathédrales
énormes tentes pour des barbares ivres rôtissant des porcs sauvages
galaxies vertes ...
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J'ai été au carrefour de trois voies
la première me mène vers la mer
la deuxième en direction de la montagne.
Sur la troisième tout signe a été délavé ...
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J'ai dit: « à moi la troisième » ...
cascade qui coule au-dessus des arbres
et les arbres gémissent
Les arbres se brisent
les arbres s’éparpillent tout au long des sentiers
flottant dans une vague de froid,
le tonnerre gronde
l’éclair foudroyant emporte toute la forêt dans ses étincelles...
et là, une hutte à bûcherons
sur le point de s’envoler avec toutes ses brindilles enchevêtrées
le vent est devenu un corps d'eau et d’écorce
Balai ratissant le paysage
vers les fleuves tracés dans les livres du déluge ...
la hutte scintille ...
j’y pénètre
Hésitant
Tremblant
je vais me loger ici
dans le foyer de la tempête ...
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L’univers respire dans un coin de la hutte
l'univers s’en va ...
Londres 16.8.2006
* Henry V: Roi d'Angleterre entre 1413 - 1422, a abattu les forêts anglaises afin de construire son vaisseau marin.
Mensonge
- J’habite pour de vrai un refuge de vieux
(J’ai dépassé les soixante-dix ans)
Mais ma demeure s’appelle « Sheltered House »
Ce n’est pas vraiment ce qu’on appelait jadis un hospice de vieillards
C’est entre les deux demeures
- bizarre !!
Si c’est là ton logement pourquoi nous trompes-tu ?
Tu parles d’un château (comme si tu étais le descendant d’une famille noble)
Et tu te joues de notre naïveté en racontant des histoires
D’herbage et de jardins
D’un renard qui vient à l’aube
D’une gazelle sauvage qui saute une clôture
Et d’écureuils
Tu parles de balcons et de créneaux
D’arbres mystérieux
De chevaux broutant le thym
De lacs où coulent des poissons en or et de cailloux,
De pâturages ...etc.….
……..
……..
…….
- j’habite pour de vrai entre le visible et l’invisible
J’habite l’instant
Là où la chose n’est pas elle-même
Là où le visible ne m’est pas visible
- bizarre !!
Puis-je te poser une question ?
Tous les gens de Bassora jusqu’au bout du Maroc
En savent plus sur toi que toi-même
Pourquoi alors les tromper ?
Pourquoi donnes-tu au cuivre terni une couleur dorée ?
- j’habite pour de vrai dans ce qui n’est habitable qu’un jour
Je quitte ce qui me retient instant après instant
Je porte la glaise de cette terre vers une autre terre
Qui ne nous trompe pas
Une terre où il y a diverses galaxies
Des chevaux
Des lacs où coulent des poissons d’or
Et où se déversent des hommes
Londres 27/11/2005
Retour à l'Irish Bar
Le bar irlandais appelé « le Fitzgerald »
a quitté de nuit Dublin
pour ouvrir la même porte 'étroite à Londres ...
pure folie
ou miracle
dis ce que tu voudras
mais le bar est réellement ici:
ses tabourets en bois
les ténèbres au fond
et les gens qui le fréquentent
la fleur qui pousse dans la mousse de sa bière noire
comme si je lisais un livre de science-fiction
Et comme si j'étais au pays des merveilles ...
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ce bar irlandais était- il vraiment le même?
Était-ce moi qui étais assis à sa porte?
Ses clients étaient –ils des humains?
Ses tabourets
étaient-ils en bois ou pur brouillard?
Ses murs garnis de panneaux étaient –ils des murs de tuiles
ou des feuilles au vent?
La dame en noir ...
était-elle une fée?
La lumière blafarde s’estompe de plus en plus sur le comptoir de la barmaid
d’un angle mort surgit le berger allemand avec un gourdin
d'un autre côté ...
vient un homme flaqué d’un serpent.
Le noir s’épaissit
la barmaid reprend un chant de corsaires noyés dans le corail des Caraïbes ...
le noir s’épaissit
les couleurs s’embrument
mes yeux aussi
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la mer est loin. Londres 28.03.2007
Tatouage du loup.
le crépuscule vient de tomber sur le village
La taverne n’est pas loin
chaque soir, je sors prendre un verre dans la taverne de mon village
puis je rebrousse chemin pour pénétrer dans ma nuit et mes cauchemars
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aujourd’hui quand je suis entré dans la taverne
je me suis dit: « il y a quelque chose de différent »
en fait derrière le modeste comptoir se tenait une nouvelle barmaid ...
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Au bas du dos de la fille de la taverne
au creux des fesses
on voit bouger le tatouage du loup bleu ...
parfois, le loup bleu se dérobe sous la soie d’une chemise lâche
puis la fille de la taverne s’échauffe...
en quête du loup parmi les habitués
En quête des yeux de braise parmi les cendres de leurs cigarettes;
et s’il neigeait maintenant?
Dansera t- elle sur l’esplanade dès qu’elle sera toute blanche
ou se hâtera t- elle dans sa chambre
pour chauffer, toute nue, ses fesses
sous le drap du lit
où est assoiffé le loup
Londres 22/1/2005
Soie chaude
Frotte tes yeux et ton front….
Pénètre dans les plis de la soie que nulle main n’a tissée
Plonge tes cils dans le paradis
Tu es l’assoiffé
Tu es le joueur
Tu baignes dans l’herbe de la nuit
Tu es le fils du fleuve
Tu dérives, tu te perds dans les vagues de la soie
Qui déferlent à l’infini
Tu sens l’humidité chaude te coller à la peau
Et le miel de la soie transfigurer ton corps en lumière et en soie
Veux-tu en être sûr ?
Te sens-tu lointain et en nage ?
Te sens-tu lointain et heureux ?
Comme ils sont beaux…
Comme ils sont beaux les plis de la soie
Que la robe du vin villageois et deux mains- deux corps
Ont tissés.
Trois poèmes nus
Franchise
Elle a dit : « je t’aime…
Mais le monde est fuyant
As-tu aperçu un cheval galopant dans la steppe à l’herbe haute ?
Le monde est fuyant
Moi aussi je suis éprise des comètes
Dont j’ai choisi leur sort…
Laisse-moi !
S’il te plait !
Laisse-moi…
Corps
Elle aime coller ses seins contre ma poitrine
Quand rose…elle s’endort
Comme est calme son souffle !
Mais
Comment puis-je parvenir à dormir
Et elle a collé ses seins oiseaux
Qui battent leurs ailes dans ma poitrine
Comment le sommeil trouvera t-il son chemin jusqu’à moi ?
Intimité
Nous n’atteignons pas au même temps le faîte de plaisir…
Je la laisse
D’abord atteindre sa jouissance
Du plus profond d’elle-même émane un frémissement dans un cri étouffé
Puis elle dit :
À toi maintenant
…………
…………
…………
Le drap blanc est mouillé
Froissé
Et en son sein un feu qui déborde
Londres 06/09/2008
Un frisson.
Tiens-moi
Réconforte-moi
Ce soir les pierres sont pure souffrance
Serre-moi contre ta poitrine
Et que je parte à l’aventure
Les étoiles sont grises comme cendres
Et la route qui y mène
Resplendit de lumière.
J’essaierai de ne rien dire
Les nuages du matin étaient froids et épars
l'eau émergeait de l’herbe de la prairie vers le brouillard sur la ligne d’horizon
au loin pâturaient des chevaux ...
des bateaux dans le canal
et dans les bateaux le thé du matin et le fil de la fumée des cheminées
nul oiseau ici
un corbeau becquetait avec ardeur le cadavre d'un écureuil
et les feuilles jusqu’à hier grises dans le jardin ont noirci
les fenêtres se sont parsemées de cristaux
la neige viendra-t-elle?
Elle sera noyée dans la chaleur du vin
dans les racines du figuier
et la nuit-alcool
Forte pluie printanière
Par milliers des plantes aquatiques
Serpentent entre la haute crête des arbres et le chenal,
le vent est favorable
et les fleurs blanches s’envolent:
je ramasserai de la neige dans le creux de mes mains
j’entrerai à la maison pour disposer la neige sous forme de tresse
Sur le silence de mes draps
et l’oreiller dans mon coin ...
la neige fondue ne sera pas des larmes;
les fleurs blanches se faneront en un instant - bien sûr - je le sais
Je sais que le vent s’apaisera
que le soleil deviendra de plomb
et que je voyagerai vers un pays que j’ignore ...
mais qu’ai-je à faire du monde?
L’instant me suffit
blanc est l’instant
blanc...
Londres 4.30.2003
Le dernier vol de l’oiseau
Quand j'entre dans le nid de la terre
satisfait
et heureux,
mes ailes au repos
je libère mes paupières de manière à ne pas voir
les arbres se balançant au plus près
ne me pleure pas
j'ai dit ne pleure pas
si tu veux rappelle-toi que mes ailes
sont d’eau
et il n'y a pas d'eau sans vagues
et pas de vagues sans un rivage où elles s’écrasent
je reposerai ici
satisfait
et heureux
d’avoir atteint la dernière côte
ne pleure pas
même le son de mon propre souffle ne peut m’atteindre…
Damas, Février 8, 1995
Conseil tardif
Il a dit: « si la chambre rétrécit, scrute le ciel
tu ne perdras rien
car les pertes dont tu m’as parlées (quand nous traversions la forêt) sont devenues argile dans le creux de tes mains...
un autre pas
à quoi sert de rester enfermé dans ta chambre grelottant?
À quoi servent les chansons quand on les écoute seul?
Écoute les grands arbres dénudés
quand souffle le vent,
écoute les fenêtres dont on ferme chaque jour les grilles en vain
Écoute le silence ...
.............
.............
.............
c’est toi qui m'a appris à ruser
quel goût a la parole?
Londres 1.10.2003
Silence
Vents de silence qui ne soufflent pas le soir
Vents qui ne soufflent pas à l’aube
M’ont donné en charge un livre de branches
Afin que J’aperçoive mon cri dans le silence
La nuit descend, bleue, entre des escaliers et des étoiles. Je vois
des arbres bleus, des rues abandonnées, et un pays
de sable. J'avais un toit et je l’ai perdu. J'avais un toit
et je l’ai laissé. Comme les étoiles sont proches!
Ils collent à mes pas. O arbres bleus, bois
bleu, nuit! Nous nous sommes retrouvés dans un monde
qui s’écroule ou qui nait ou qui meurt.
Arbres pour des mains coupées. Arbres pour les yeux
crevés. Arbres pour les cœurs changés en pierre.
En ville, au cimetière, les arbres se balancent dans le bleu.
Les mains coupées ne sont pas des vagues, les yeux crevés
ne cillent plus, les cœurs changés en pierre
ne battent pas. Viendront-ils,
les vents étranges? Le silence habite le jardin.
Les minarets ont la couleur des vieilles eaux, les gens ont la couleur
de vieux chevaux. Et Les livres de Tatar sont estampillés
avec le cachet de la censure.
Vers quel pays vas-tu maintenant? Ici, tu ouvriras
une porte à une chambre de torture. Et un jour, dans le jardin
tu verras tes bras, tes yeux, ou ton cœur qui sursaute.
Mais tu es fort aujourd'hui, dis ta parole. Dis-la,
car après-demain, tu commenceras à mourir.
Vents qui ne soufflent pas le soir,
vents qui ne soufflent pas à l'aube.
Le livre de branches me fait une couronne
et je vois mon cri dans les yeux des autres.
3 novembre 1974